Mouvement supraluminique
En astronomie, le mouvement supraluminique est un mouvement qui semble dépasser la vitesse de la lumière et qui est observé dans certaines radiogalaxies, dans des objets BL Lacertae, dans les quasars et dans des microquasars. Toutes ces zones sont soupçonnées de contenir un trou noir responsable de l'éjection de matière à des vitesses relativistes.
Observé pour la première fois dans les années 1970, le mouvement supraluminique était alors considéré comme une preuve d'une erreur de la mesure des distances des quasars. Bien que dans les années 2020, certains astrophysiciens argumentent toujours en faveur de cette théorie, la majorité de la communauté scientifique pense plutôt que le mouvement supraluminique est la conséquence d'une illusion d'optique.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le mouvement supraluminique est observé pour la première fois en 1902 lors de l'observation du jet de la nova GK Persei par Jacobus Kapteyn[1]. Sa découverte est publiée dans la revue allemande Astronomische Nachrichten[2]. Elle n'attire cependant l'intérêt des astronomes anglophones que plusieurs décennies plus tard.
En 1966, le professeur d'astronomie britannique Martin Rees affirme qu'« un objet qui se déplace selon les lois de la relativité restreinte dans une direction appropriée peut sembler, à un observateur lointain, avoir une vitesse dépassant celle de la lumière[trad 1],[3] ». En 1969 et en 1970, de tels objets sont identifiés[4],[5] et sont nommés « sources supraluminiques ». Ces découvertes, réalisées à l'aide d'interférométrie à très longue base, permettent de poser des limites à la taille apparente et de déterminer la position avec une exactitude sous la milliseconde d'arc. Cela mène à l'évaluation du mouvement propre des objets pouvant dépasser 6 fois la vitesse de la lumière.
En 1993, des chercheurs analysent le jet extérieur du quasar 3C 273. Ils affirment que le jet est quasiment parallèle à la ligne de visée terrestre, ce qui fait en sorte de créer l'illusion qu'ils dépassent la vitesse de la lumière[6],[7],[8].
En 1994, un mouvement supraluminique est observé dans le microquasar GRS 1915+105, situé au sein de la Voie Lactée[9]. Ce sera également le cas pour GRO J1655-40, bien que la distance de ce dernier, et donc sa nature supraluminique, soit sujette à débat[10],[11],[12].
Explication du phénomène
[modifier | modifier le code]Le mouvement supraluminique est causé par le jet de matière projeté à des vitesses très proches de celle de la lumière avec un très petit angle du point de vue de l'observateur. À chaque point de leur chemin, les jets à grande vitesse émettent de la lumière et cette lumière ne s'approche pas de l'observateur beaucoup plus rapidement que le jet lui-même. La lumière émise par le jet sur des centaines d'années n'est pas la même du début à la fin du trajet. En effet, la lumière émise au front (celle qui est la première à être émise) n'a pas des centaines d'années-lumière de distance avec celle qui émise à la fin du jet (celle qui a été la plus récemment émise). Le trajet de lumière complet arrive à l'observateur dans une période de temps beaucoup plus courte (approximativement entre 10 ou 20 ans) et donne l'impression qu'elle voyage plus rapidement que la vitesse de la lumière.
Formalisme
[modifier | modifier le code]Supposons un jet relativiste qui se dirige à l'extérieur d'un noyau d'une galaxie active selon l'axe AB avec une vitesse v. L'observateur se trouve au point O. Au temps un rayon lumineux quitte le jet du point A et un autre rayon quitte le jet à un temps du point B. L'observateur au point O perçoit les deux rayons à des temps respectifs et . L'angle qui correspond au prolongement de la vision de l'observateur avec les points A et B. Considérant la distance du jet observé, les deux prolongements appelés peuvent être considérés comme égaux[13].
Si est la vitesse de la lumière et que le décalage entre les deux émissions est noté , nous avons :
- , où
La vitesse transversale apparente sur ,
La vitesse transversale apparente est maximale pour des angles entre ()
- , où
Si (par exemple, si la vitesse du jet approche celle de la lumière) alors malgré le fait que . Évidemment, signifie que la vitesse transversale apparente le long de , la seule vitesse que l'on mesure dans le ciel, est plus grande que la vitesse de la lumière dans le vide. De ce fait, le mouvement parait supraluminique.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Superluminal motion » (voir la liste des auteurs).
- (en) « an object moving relativistically in suitable directions may appear to a distant observer to have a transverse velocity much greater than the velocity of light »
- (en) M.F. Bode, T.J, O'Brien et M.Simpson, « Echoes of an Explosive past : Solving the Mystery of the First Superluminal Source », sur iopscience.iop.org (consulté le ).
- (de) J.C. Kapteyn, « Über die Bewegung der Nebel in der Umgebung von Nova Persei », sur adsabs.harvard.edu (consulté le ).
- (en) M.J. Rees, « Appearance of Relativistically Expanding Radio Sources », sur nature.com (consulté le ).
- (en) J.S. Gubbay, A.J. Legg, D.S. Robertson, A.T. Moffet, R.D. Ekers et B. Seidel, « Variations of Small Quasar Components at 2,300 MHz », Nature, vol. 224, no 5224, , p. 1094–1095 (DOI 10.1038/2241094b0, Bibcode 1969Natur.224.1094G)
- (en) M. H. Cohen, W. Cannon, G. H. Purcell, D. B. Shaffer, J. J. Broderick, K. I. Kellermann et D. L. Jauncey, « The Small-Scale Structure of Radio Galaxies and Quasi-Stellar Sources at 3.8 Centimeters », The Astrophysical Journal, vol. 170, , p. 207 (DOI 10.1086/151204, Bibcode 1971ApJ...170..207C)
- (en) R. C. Thomson, C. D. MacKay et A. E. Wright, « Internal structure and polarization of the optical jet of the quasar 3C273 », Nature, vol. 365, no 6442, , p. 133 (DOI 10.1038/365133a0, Bibcode 1993Natur.365..133T)
- (en) T. J. Pearson, S. C. Unwin, M. H. Cohen, R. P. Linfield, A. C. S. Readhead, G. A. Seielstad, R. S. Simon et R. C. Walker, « Superluminal expansion of quasar 3C273 », Nature, vol. 290, no 5805, , p. 365 (DOI 10.1038/290365a0, Bibcode 1981Natur.290..365P)
- (en) R. J. Davis, S. C. Unwin et T. W. B. Muxlow, « Large-scale superluminal motion in the quasar 3C273 », Nature, vol. 354, no 6352, , p. 374 (DOI 10.1038/354374a0, Bibcode 1991Natur.354..374D)
- (en) I.F. Mirabel et L.F. Rodriguez, « A superluminal source in the Galaxy », Nature, vol. 371, no 6492, , p. 46–48 (DOI 10.1038/371046a0, Bibcode 1994Natur.371...46M)
- (en) Wei Cui, « Relativistic processes in microquasars », sur articles.adsabs.harvard.edu (consulté le ).
- S. J. TINGAY, D. L. JAUNCEY, R. A. PRESTON, J. E. REYNOLDS, D. L. MEIER, D. W. MURPHY, A. K. TZIOUMIS, D. J. MCKAY, M. J. KESTEVEN, J. E. J. LOVELL, D. CAMPBELL-WILSON, S. P. ELLLNGSEN, R. GOUGH, R. W. HUNSTEAD, D. L. JONOS, P. M. MCCULLOCH, V. MIGENES, J. QUICK, M. W. SINCLAIR & D. SMITS(1994), Nature, 374, 141-143
- (en) C. Foellmi, E. Depagne, T.H. Dall et I.F. Mirabel, « On the distance of GRO J1655-40 », sur aanda.org (consulté le ).
- (en) Michal J. Chodorowski, « Superluminal apparent motions in distant radio sources »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur physics.purdue.edu (consulté le ).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) R.C. Vermeulen, « Superluminal sources », dans Quasars and Active Galactic Nuclei : High Resolution Radio Imaging, Owens Valley Radio Observatory, California, Proceedings of the National Academy of Sciences, , pp.1-4.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) John Biretta, « Hubble Detects Faster-Than-Light motion in Galaxy M87 », Space Telescope Science Institute, Baltimore, ND, , pp.1.
- (en) Florentin Smarandache, « There Is No Speed Barrier in the Universe and One Can Construct any Speed »